La Dominique ou l'ile du 19 mars. Ce n'est par Christophe Colomb qui l'appela ainsi mais nous, elle restera l'ile du 19 mars, car nous y passerons une très courte escale pour fêter l'anniversaire de José. Escale clandestine il faut bien l'avouer car nous avons "oublié" de faire la clearance d'entrée, afin de retrouver Oiaou aux Saintes. De toute façon, c'est sûr, nous y reviendrons, car voici encore un vrai coup de cœur pour cette ile que l'on dit aux 365 rivières. La Dominique est située entre la Martinique et la Guadeloupe. Nous n'étions pas sûrs de vouloir faire cette ile seuls, car elle souffre d'une réputation difficile, d'insécurité notamment, mais comme Fabien-les-bons-tuyaux du Black Beatle s'y était déjà rendu et en connaissait naturellement les bonnes adresses, nous n'avons pas hésité. Radio-ponton exagère peut être un peu, et si on en connait les clefs, les habitants, qu'on appelle des Dominiquais, (à ne pas confondre avec le Dominicains, habitants de la République Dominicaine) sont sympas et ont également compris qu'un touriste heureux est source de revenus... Nous y avons appris mille choses, facilité par les échanges en Français, qui est une langue obligatoire à l'école, et que tous parlent, après le créole et l'anglais.

Les mouillages sur la côte sont peu nombreux, car les fonds plongent rapidement vers les abysses, mais le Sun Set à Batali Beach, unique hôtel restaurant construit et tenu par des belges depuis trente ans, dispose de deux bouées de mouillage. Nous étions trois bateaux ce jour-là, dont un autre belge "Eric-de-Liege-une-fois" (c'est lui qui le dit), fort sympathique avec lequel nous avons partagé nos aventures.

Qui dit aventures dit bonnes adresses, c'est au Sun Set que l'on trouve les langoustes à gogo dans les assiettes. Ici, ce sont les langoustes "américaines", une quinzaine de centimètres seulement, mais tendres et succulentes, accompagnées de légumes-pays. Nous avons trouvé une fois encore une excellente raison de fêter, et d'arroser, l'anniversaire de José.

Le lendemain, départ pour découvrir le nord de l'ile. Grâce à Marcella, la truculente patronne du restaurant, nous négocions un taxi pour la journée, avec en bonus le chauffeur-guide francophone Lesly qui connait parfaitement son ile. C'est l'une des plus larges et des plus élevées des iles Caraïbes, et le programme de cette journée devra donc se limiter à sa partie nord. La caractéristique de la Dominique est son caractère sauvage, peu urbanisée, la population n'est que de 80 000 habitants. Depuis son indépendance en 1978, le gouvernement développe, grâce à la communauté européenne et des accords de coopération avec la Martinique et la Guadeloupe, des programmes d'aménagements routiers ou hôteliers éco-touristiques. Ainsi, des parcs nationaux ont été créés et les sentiers de randonnées sillonnent le morne Diablotin (1 447m) et les Trois Pitons ( 1 387 m) qui sont classés par l'UNESCO.

Toutes les cascades n'auraient pas été encore répertoriées, et afin d'éviter celles qui sont choisies par les touristes, notre guide nous propose la cascade de la fourche, appelée ainsi à cause des deux torrents qui se rejoignent ici. L'eau qui descend des pitons nous semble fraîche mais c'est vivifiant et stimulant. La forêt environnante est luxuriante, la Dominique recense plus de 1 00 espèces d'orchidées, de fougères... dans lesquelles une faune exotique se cache. En effet, si nous avons été gâtés jusqu'à présent par la faune aquatique colorée des Antilles, nous n'avions pas vu grand chose sur terre. Ici, ce sont surtout les oiseaux qui sont rois. C'est d'ailleurs le "roi souverain" ou perroquet impérial, qui a été choisi comme emblème pour le très joli drapeau national.

Bienvenu au Jardin Magique !

La Dominique reste le seul pays au monde qui compte une population d'environ 3 000 Kalinagos, derniers descendants des indiens Caribs.

Venus du bassin de l'Orénoque pour peupler les Antilles, les Caribs ou Kalinagos ont massacré ou mangé tous les Arawaks, le peuple natif, et leur caractère belliqueux leur a permis sans doute de résister aux siècles de conflits de territoires entre les Français et les Anglais. Devenue anglaise depuis quelques décennies, c'est la Reine Victoria qui, en 1903, octroie un territoire indépendant aux Caribs. Ce territoire aujourd'hui d'une superficie de plus de 1 500 ha, est administré en toute autonomie par le "Carib Council', également représenté au gouvernement de l'ile.

Le territoire Carib a une particularité, il est constitué d'une seule propriété appartenant au chef Carib, lui-même élu par la communauté. Pas de propriété individuelle, pas de titre de propriété, pas d'impôts locaux ni fonciers. Des avantages, le terrain que l'on convoite est octroyé gratuitement par le Carib Council après avis collégial, mais des inconvénients, pas de crédit possible sans titre de propriété, il faut donc avoir les moyens ou solliciter l'aide de la communauté.

La population Carib est aujourd’hui largement métissée mais l'on retrouve cependant chez certains d'entre eux une physionomie que nous n'avions pas encore vu sur l'arc Antillais. Leurs traits sont fins, les yeux souvent étirés vers les tempes, les femmes portent de longs cheveux lisses. Rose, notre sympathique cuisinière a certainement des ancêtres africains.

Nous aurions pu visiter le village et avoir droit, en bonus, au ballet traditionnel; mais ce côté "zoo" peu spontané à été refusé à l'unanimité par les trois équipages. Le déjeuner et l'échange avec quelques uns étaient tout aussi enrichissant.

"Nulle chair européenne ne leur paraissait plus délectable que celle des français. Venaient ensuite les Anglais. IL trouvaient le Hollandais fade, l'Espagnol fibreux et coriace, à peu près immangeable. (...) " Ainsi s'exprime monsieur de Rochefort en 1658 après sa rencontre avec les terribles Caribs. Vient ensuite le mode de cuisson détaillé dont je vous fais grâce, mais vous aurez remarqué que "l'espagnol" n'est pas un met de choix. José aurait donc été occis sans plus de cérémonie, alors que j'aurais peut être, après une minutieuse et fort douloureuse préparation, été le plat de fête des indiens.

La recette a été heureusement perdue depuis longtemps, et ce sont des menus moins protéinés qui sont le quotidien des Caribs. Le "mangélocal", assiette complète et roborative va nous permettre de tenir l'après-midi: Poulet mariné, frites de patates douce et du fruit de l'arbre à pain, igname, lentilles, riz, choux, galette de manioc; le tout accompagné d'un délicieux jus de pamplemousse pressé. ouf ! c'est où la sieste ...

L'une des activités des Caribs est la confection d'une vannerie fine, élégante et colorée, qui se transmet de génération en génération. Cette digne grand-mère parlant un doux français avait des doigts fort agiles.

On change de décor, la côte au vent est l'une des plus sauvages que l'on ait vu jusqu'à présent, avec ses grandes plages de sable gris. Le parler créole Dominicais est quasi identique au créole Martiniquais, l'influence française ayant été bien plus profonde que l'anglaise. Seul le village de pêcheurs de Wesley parle un créole anglais. L'influence du français est omniprésente, les noms de villages, ou de sites naturels rappelle l'occupation française, sans d'ailleurs beaucoup d'imagination. on retrouve en effet les mêmes noms de sites qu'ailleurs: Marigot, la Soufriere ou Roseau, la capitale.

Après le déclin du commerce de la banane dans les années 90, le gouvernement a investi dans l'éco-tourisme pour développer l'économie locale. Cependant, le sol riche garde une agriculture florissante, et le maintien d'une petite industrie de production de jus de fruits, d'eau de coco, de sirops et confitures, ainsi que des sauces piquantes pour agrémenter les colombos et plats de poissons.

Au nord est, la pointe Baptiste alterne l'une des rares plages de sable blond et falaises déchiquetées. On se baigne dans une eau translucide derrière la barrière de corail.

et comme souvent sous les tropiques, un majestueux soleil couchant termine cette jolie journée, les trois bateaux attendant sagement le retour des équipages.

Prochaine étape, les Saintes, 25 miles environ, mer belle, vent de NE 15 à 25 nds, grand soleil, reggae dans les baffles, yeah...trop coooool ....

à bientôt,