La navigation entre la Dominique et les Saintes, environ 25 milles, a été une petite promenade de santé. Vent de ENE 4 beaufort, mer belle, houle modérée, temps magnifique, nous avons pu tracer la route directe vers cet archipel à une vitesse très honorable de 6 nds de moyenne pour petit Quintet. Ce genre de navigation nous garde amarinés, car comme toujours c'est un peu remuant dans le passage entre deux iles, menu "transat" donc, pamplemousse puis œufs brouillés aux pommes de terres sautées, on fait simple.

Nous sommes très heureux de retrouver nos compères OIAOU, qui nous avaient abandonnés momentanément pendant que nous accueillions Sarah en Martinique. Il ont pris de l'avance donc, et ont un nouvel équipier pour quelques semaines, Bernard le papa de Laure. Comme d'habitude, Laure a déjà prévu quelques bons plans et visites patrimoniales, et si les Saintes sont minuscules, elles ont cependant une riche histoire qui mérite d'être connue.

L'archipel est constitué de 9 iles, dont 2 seulement sont habitées par 3 000 Saintois, Terre de Haut et Terre de Bas. Il faut comprendre ces noms au regard des vents dominants, et non parce qu'il y en aurait une plus haute que l'autre. La "Terre de haut" est à l'est, la "Terre de Bas" est à sous son vent à l'ouest. Ce qui frappe ici, c'est que l'on rencontre beaucoup d'habitant à la peau claire ou "café-crème", avec deux yeux bleus. Il s'agit de descendant des premiers habitants volontaires envoyés par la Compagnie des Indes, qui étaient pêcheurs Bretons, agriculteurs Poitevins ou Normands. Les autres ilets, trop arides, ont été abandonnés, et l'on ne peut s'en approcher facilement en bateau. Ils ont gardé des noms évocateurs l'ilet à Cabris, la Coche, le Pâté, La redonde, les Roches Percées...

 C'est donc à Terre de haut, au bourg, que chaque matin les navettes déversent leur flots de touristes, la place principale s'anime alors, avant que chacun s'éparpille sur les plages de sable blanc, à pied, en voiturettes électriques ou en scooter, les seuls moyens de locomotion possibles. Heureusement pour les habitants, et pour les navigateurs de passage que nous sommes, les touristes repartent avec la dernière navette du soir, rendant sa quiétude à l'ile.

les Saintois sont fiers de leur ile et font, à juste titre, tout leur possible pour la préserver. Le village est charmant, les maisons créoles très bien entretenues ont toutes les toits rouges, une obligation patrimoniale, mais toutes les couleurs de façades sont autorisées, ce qui donne, avec les bougainvilliers, une débauche colorée très gaie.

La dernière navette partie avec sa cargaison de touristes bien rôtis, l'ile retrouve son calme. Les hommes jouent au dés ou aux cartes, s'interpellant dans un créole où l'on peut reconnaitre ça et là quelques mots. Cela me fait penser à la partie de carte de Pagnol, revisitée sous les tropiques. Les femmes ressortent leur chaises sous les avancées et conversent avec leur voisines ou leur amies. Seule touche bruyante mais sympa, le bar/Resto/wifi, qui accueille les stagiaires du club UCPA venus fêter leurs exploits. Sinon, l'ile est plongée dans la nuit, seule la rue principale, et quelques maisons isolées sont éclairées. Aujourd’hui la vie est douce ici, mais le confort est récent, notamment l'eau douce, qui est acheminée par un conduit sous-marin de 40 KM depuis la Guadeloupe. Avant cela, l'eau était collectée dans d'immenses citernes qui servent encore aujourd'hui pour les jardins. Nous savons nous aussi que l'eau est précieuse, en bateau, on apprend à l'utiliser avec parcimonie, ce que feraient bien de faire la plupart des terriens.

Les querelles de territoires caraïbéens entre Français et Anglais sont aujourd'hui oubliées, bien que d'irréductibles navigateurs gardent encore quelques griefs bien inoffensifs cependant, le faisant savoir, rhum aidant, par de sonores chants marins.

"Buvons un coup, buvons en deux
A la santé des amoureux
A la santé du Roi de France,
Et merde pour le Roi d'Angleterre,
Qui nous a déclaré la guerre.

...)


La rade de l'archipel des Saintes, située très stratégiquement entre Guadeloupe et Dominique, permettait de garder à l’abri de la mer et de la houle forte du large, une flotte importante de navires. Découverte par C Colomb mais délaissée par les espagnols car trop arides, les Français érigent très vite des fortifications sur les principaux mornes, mais c'est du 8 au 12 avril 1782 que les deux parties s'affrontent dans l'une des plus fantastiques batailles navales de tous les temps, avec près de 35 vaisseaux pour chaque camps. Peut-on imaginer, horreur de la guerre mis à part, ce qu'à du être le spectacle de 70 navires lourdement armés, toutes voiles dehors et se faisant face pendant de longues journées, le vent manquant. Nous oublierons vite que ce sont les Anglais qui gagnèrent la bataille. Appelée "Bataille des Saintes" par les Français et "Bataille de la Dominique" par les Anglais, cette histoire est relatée dans l'une des salles du fort Napoléon.

Beaucoup d'efforts sont fait pour préserver le patrimoine, qu'il soit monumental ou vernaculaire, et des chantiers de restauration sont en cours, dont des dépendances du fort. Le fort lui-même, situé en haut du morne qui surplombe la baie est en parfait état et on imagine la difficulté que cela a du être d'apporter tous les matériaux ici, puis de les monter à dos d'homme par la chaleur accablante des tropiques.

Quoi qu'il en soit, ce fort n'a jamais vraiment été mis en service, car son édification a été faite, selon les événements et les guerres, à tour de rôle par les Français et les Anglais, pour être finalement achevé sous Napoléon III, d'où son nom. Il servi un peu plus tard de prison, notamment pendant la deuxième guerre mondiale, et c'est maintenant un musée.

L'autre attraction du fort, ce sont les iguanes qui ont élu domicile dans les cactus.

Nous avions déjà vu des iguanes en Dominique, mais ils sont plus visibles ici et se dorent au soleil en laissant, comme celui-là, pendre ses pattes de chaque côté de la branche. La mine patibulaire, il sont totalement inoffensif et végétariens mais ne se laissent pas approcher, sauf peut être par une belle mangue ou banane, mais nous n'avons pas essayé. Certains les domestiques, mais plus personne ne les mangent, car ils sont protégés. Les mâles sont très gros et impressionnants. Ils arborent une belle couleur verte qui doit certainement plaire à ces dames, bien plus ternes et petites. Il y a deux races, qui se distinguent par une "plaque" que les mâles arborent sur le côté de la tête.

Depuis le haut du Fort, à 114 m, le panorama dévoile tout l'archipel, et l'on distingue nettement la Dominique au sud et la Guadeloupe toute proche au nord. Comme un peu partout dans les iles française, les bouées (payantes évidement) ont été installées. Les navigateurs sont donc contraints de payer, ou de s'éloigner du rivage et d'être exposé un peu plus au vent et à la houle du large qui rentre un peu ces jours-ci. Comme nous sommes, et OIAOU encore plus que nous, d'irréductible gaulois, on préfère essayer de trouver mouillage plus calme que d'être encore et toujours taxés. C'est d'ailleurs une constante, dès qu'on arrive dans une ile française, les mouillages agréables ou proche des commodités sont payants, les wifi gratuits introuvables, l'avitaillement plus cher qu'ailleurs, quel dommage....

Heureusement pour nous, il n'y a quand même pas à aller loin pour trouver mieux, le mouillage du "Pain de Sucre". Abrité du vent qui s'est mis à souffler sérieux, avec un petit hôtel où nous allons boire un verre et faire du wifi, eau claire mais fonds sous marins sans grand intérêt. Cela ne nous empêche pas de nous baigner, l'eau est à 29 °, mais on devient difficile. Le seul intérêt, mais on ne le dit pas trop fort, et d'aller à la chasse à la langouste. Nous sommes bien organisés, je repère, Gab capture, et le père de Laure déguste. Nous, on rêve plutôt d'une côte de bœuf, chacun ses envies, non ?

Cette pointe qui surplombe la baie du Pain de sucre est appelée 'Boisjoli". Tout en haut de de morne, un chemin de croix mène à une chapelle en plein air où il faut entrer pieds nus, comme le recommande une grande pancarte au pied de la croix.

Pointe du boisjoli: De bois feuillus et odeurs de champignons point, plutôt des arbustes rabougris grignotés par les chèvres, et cactus de toutes tailles, seul, un immense arbre étranglé par un figuier maudit semble avoir échappé aux cyclones qui s’abattent ici de temps à autre.

L'équipage OIAOU doit continuer sa route, le papa de Laure devant rentrer en France depuis Saint Martin, bien plus au nord, ça fait une trotte et il y a beaucoup de choses à voir entre ces deux points. Comme nous venons d'arriver, on va rester encore un peu aux Saintes, puis découvrir la Guadeloupe qu'ils ont déjà vue. Nous nous promettons de nous revoir avant de départ pour la transat retour.

On reprend donc un rythme de plaisancier, on regarde le ciel et on se dit "aujourd'hui peut être, ou alors demain...", on se laisse vivre et faisons peu d'efforts, il faut bien le dire. Parmi les occupations de la journée, la recherche de wifi. C'est de ce petit hôtel que nous avons pu converser enfin sur skype avec la famille. Nous sommes heureux, vous le savez, mais vous nous manquez.

Et voilà, les Saintes, c'est déjà fini, à l'heure où je poste ce billet, nous sommes en Guadeloupe, devant la marina de Pointe à Pitre. Le mouillage est hyper calme le soir, une fois que les énormes cargos et porte-conteneurs, les navettes inter-iles, les pêcheurs et hors-bords sont enfin amarrés. Il y a un petit ilet plage de sable blanc à deux pas, les commerçants de la marina sont très sympas, et l'avitaillement est facile pour une fois.

Nous avons loué une voiture avec des Rochelais que nous connaissions déjà, Fanny et Patrice, embarqués pour quelques jours sur Black Beatle qui croise aussi dans les parages. Nous avons visité grande terre, mais ce récit sera pour un prochain billet. Si demain nous savons, peut être, ce que nous allons faire ou où nous comptons, peut être, nous rendre, après demain est fort loin... Elle est pô belle, la vie ?

à bientôt,