Marie Galante, un nom qui sonne doucement à nos oreilles, un air qui chante la douceur de vivre, un jumelage avec l'une de nos plus belles iles, Belle-Ile. Nous avons fait une courte escale technique à Pointe à Pitre et visité Grande-terre, dont je posterai plus tard un billet, et dès que possible, nous mettons le cap sur Marie Galante, qui nous séduit davantage que la civilisation Guadeloupéenne. Depuis quelques jours, le vent est sérieusement remonté, nous avons même eu quelques jours de grosses pluies tropicales qui ont permis de refaire le plein d'eau dans les jerrycans. Cap sur Marie Galante, un vent d'est de 15 nds est prévu, et comme d'habitude, c'est 25 avec rafales qui nous cueille dès la sortie de la rade de Pointe à Pitre, avec une mer hachée et une courte houle d'est qui nous rappelle quelques souvenirs de transat. Au près serré, grand voile à un ris, deux ris dans le génois, ça faisait longtemps...

Nous choisissons de rallier l'extrême sud de l'ile, Grand Bourg et son tout petit port dans lequel on peut mouiller l'ancre. On y est en 5 heures et Fabien du Black Beatle nous attend, et nous a réservé un scooter pour la virée du lendemain.

De premier abord, le port et la petite ville, bien qu'elle s’appelle Grand Bourg, n'a pas, en ce samedi du Weekend de Pâques, la séduction que nous imaginions pour Marie Galante, qui est un mythe pour nous autres européens. Le temps est maussade, le ciel est couvert et de lourds nuages noirs menacent encore, la ville et le port sont déserts. Les habitations sont hétéroclites, maisons créoles en bois, constructions des années 70 en béton, dont certaines bien entamées par la rouille, quelques constructions contemporaines, et comme partout, les déchets plastiques, des filets abandonnés par les pêcheurs... L'ile est plutôt une galette plate, et les dépressions d'été ne ménagent pas cultures et habitations.

On ne se laisse pas influencer, une bonne nuit de sommeil bien à plat, avec le vent qui siffle dans les haubans et on relie ses classiques, les guides de visites et d'histoire...

Marie Galante porte le nom, francisé, de Maria Galanda, du nom d'une caravelle de la flotte de Christophe Colomb. Évidement, comme toutes les iles, elle fut au fil des siècles, le théâtre de sanglants combats qui opposèrent colons européens et autochtones. Malgré quelques occupations d'anglais espagnols ou hollandais entre 1648 et 1815, Marie Galante est restée majoritairement sous occupation française, mais ces conflits ont durement perturbé l'économie de l'ile qui produisait à l'origine le cacao, le coton, l'indigo, le raisin, le tabac et la canne à sucre. A la révolution française, l'ile bascule définitivement dans la culture de la canne à sucre et sera appelée, "l'ile au cent moulins".

Située à 43 km de la Guadeloupe, Marie Galante est à égale distance de sa grande sœur la Guadeloupe et comme elle, elle est de formation calcaire et coralienne. Sa superficie est de 158km², ce qui en fait la troisième ile française, après Martinique et Guadeloupe. Trois villages seulement sur cette ile, Grand Bourg, Capesterre et Saint Louis, qui se sont longtemps tenus loin de l'agitation touristique, mais qui voient petit à petit des "métros" (entendez les métropolitains, terme pas toujours sympa), construire de belles villas de vacances, heureusement dans un style créole respectant l'identité de l'ile. Le scooter, loué chez Toto (c'est son vrai nom de famille), est le moyen idéal pour découvrir Marie Galante.

Belle-ile et Marie Galante, la métropolitaine et l'antillaise, jumelées, ont en fait beaucoup de similitudes, à commencer par les quatre paysages distincts, et peut être aussi par la douceur de vivre. Peu de routes, il est facile d'en faire le tour en deux heures, mais nous allons aussi nous perdre dans les petits chemins, guidés par la curiosité des lieux-dit aux noms évocateurs: Beauregard, Trou à diable, Gueule grand gouffre, Etang noir...

Plutôt sympa le moyen de locomotion par 30° !

C'est le week end de Pâques, c'est une vieille tradition ici que de faire du camping sur la plage. Avec le temps, cette tradition s'est perfectionnée, pour le meilleur comme pour le pire. Des familles entières se rassemblent joyeusement et bruyamment (la musique à fond les baffle est une culture ici) et partagent de pantagruéliques repas préparés par les mamas doudous, certains nous ont même invité très gentiment (mais nous avons décliné). Le pire malheureusement, c'est après, la forêt saccagées pour alimenter les feux, les déchets abandonnés autour des poubelles débordées, les encombrants hors d'age (frigo, gazinières, glacières...) laissés en place, sans parler de l'odeur fort sympathique des déjections maculant le sable, car il n'y a pas de toilettes évidemment. Les radios et télés locales, les associations de défense du littoral redoublent d'effort pour sensibiliser petits et grands, mais la pression est grande, certains élus locaux interdisent maintenant les plages ou en règlementent l'occupation.

Direction Capesterre, sur la côte est de l'ile, est un ravissant village aux maisons colorées, au petit port de pêche. L"église de Capesterre, reconstruite assez récemment suite à un cyclone, est d'une blancheur immaculée, et en ce lundi de Pâques, les cloches sonnent. Dommage, car nous avons scruté le ciel, mais il fait sans doute trop chaud ici pour avoir une livraison de chocolats, de saucissons, ou d'un petit paquet de la Belle-Iloise (les bonnes idées de Tima-tipa ?) mais on passe commande.

Comme toujours, et plus particulièrement en ce week end Pascal, les églises sont gaies, très fleuries, les messes très joyeuses et animées, très différente ambiance que par chez nous.

Les traditions sont tenaces car les distractions, il faut bien de dire, manquent un peu. Le concours de "boeufs tirants", spectaculaire démonstration de force de ces placides bovins, attire les curieux et les inconditionnels. C'est l'occasion pour les nombreux éleveurs, de faire valoir leur meilleurs champion et de se tailler une réputation prestigieuse.

C'est une compétition très réglementée où les animaux sont classés en catégorie de poids, la plus spectaculaire étant la classe A, celle des bêtes de plus de 870 Kg. Pour gagner, il faut monter une piste de terre la plus en pente possible en moins de 10 minutes. Chaque équipe comprend deux bœufs et trois hommes, le chauffeur et deux "coureurs" chargés de caler les pierres derrière les roues, car il n'y a pas de frein. Le jeu se corse quand on sait que la charrette est chargée de 1,2 t et que plus la piste est empruntée et boueuse, plus c'est difficile. Les champions ont souvent un "nom de guerre", les "forçats de Marie Galante" ou les "rapides de Basse Terre"

On comprend ainsi mieux pourquoi l'élevage est si important à Marie Galante, il y a une vrai économie et la viande de Marie Galante semble être réputée dans tout l'archipel. Boeuf, mais aussi cochon et toujours le cabris. C'est la période des naissances et on a peine à penser qu'ils vont bientôt finir en colombo lors de la fête du cabris.

L'est de l'ile est ceinturée d'une barrière de corail qui empêche tout débarquement, mais donne au lagon cette eau turquoise extraordinaire. La plage est bordée d'une lisière d'arbres envahis par les plantes grasses.

Au nord-est, aucune végétation ne peut résister aux assauts des embruns et du vent, toujours fort. La grande houle du large vient s'éclater sur la côte volcanique déchiquetée, où l'on retrouve, inclu dans la lave, des vestiges de coraux.

Marie-Galante est une galette quasi plate, et rare sont les points de vue qui offrent une vision panoramique.

Peut être encore une similitude avec Belle-Ile, les falaises abruptes dans lesquels la mer a sculpté d’impressionnants gouffres, ici la "Gueule Grand Gouffre".

Dès qu'on passe vers la côte sous le vent, le paysage change. En passant pas le centre de l'ile, on découvre une végétation tropicale, gorgée de parfums, bois cannelle, gommier rouge et savonnette. Peu de fleurs en revanche, hormis les bougainvilliers plantés par les hommes pour le plaisir des yeux.

C'est sur la côte sous le vent que la carte postale de Marie-Galante prend tout son sens. Plages de sable blanc, cocotiers doucement penchés au dessus de l'eau turquoise et calme, les bateaux ancrés se balançant à peine.

Aller, voici la carte postale, le bonheur les pieds dans l'eau.

On alterne farniente et découverte. Le relief quasiment plat de l'ile a permis l'exploitation de la canne avec le concours du vent. Le premier moulin est construit en 1738 et il y en aura jusqu'à une centaine jusqu'à la révolution industrielle qui apporte des machines plus performantes. La plupart sont aujourd'hui à l'état de ruines, mais on en dénombre encore 75 qui ont plus ou moins résisté,  certains ont été restaurés et le plus beau d'entre eux, celui de l'habitation Murat construit en pierre blanche, a été classé Monument Historique.

L'abolition de l'esclavage en 1848 marque le déclin de l'industrie sucrière. Les distilleries ferment les une après les autres, les habitations des riches maîtres sont abandonnées. En 1849, de violents incidents opposent les anciens esclaves à leurs maîtres, et marque encore la mémoire collective, notamment par un lieu-dit dont il ne reste aujourd'hui qu'un étang, la "Mare au Punch", appelée ainsi parceque les oppressés y déversèrent toute la production de canne de la plantation, ruinant ainsi le bénéfice d'une année, et le propriétaire.

Vous ne nous postez plus beaucoup de commentaires sur le blog (la faute aussi aux pirates), mais on en reçoit sur le téléphone satellite ou portable. On nous a demandé récemment: "mais vous ne vous ennuyez pas, que faites-vous de vos journées ?"

Alors, on vous rassure, les journées sont trop courtes, bien qu'on ait adopté un rythme antillais. Levés avec le jour, petit déjeuner, baignade, rangement du bateau, puis départ pour visites, rencontres ou café-wifi, ou intendance terrestre (avitaillement et courses diverses), ou entretien du bateau et c'est déjà 17/18h, l'heure du coucher de soleil avec un verre de pamplemousse frais, puis dîner, soirée lecture, film, ou entre copains. Ce sont les jours "off", mais si on navigue pour passer d'une ile à une autre, la journée entière y est consacrée.

donc voilà, "pani pwoblem"... nous n'avons d'autres souci que la météo, grâce aussi à Tipa-Tima qui assurent comme des chefs notre intendance métropolitaine (merci merci merci !!!)

Aujourd'hui, c'est en direct (nous avons 6 heures de décalage avec la métropole) que nous suivons le match PSG Barcelone , enfin, que José suit pendant que je fini cette page du blog. Ambiance garantie et commentaires français et créoles animés !

et voilà! les français ont fait match nul contre les espagnols, papi Vincent ne sera pas fâché.

à bientôt,