Je ne résiste pas au plaisir de vous raconter notre escale à Barbuda, alors même que je n'avais pas fini de vous raconter les plus beaux coins d'Antigua, notamment Nonsuch Bay et Green Island sur la côte est. Ce sera donc l'objet d'un prochain billet, d'autant que nous sommes de retour sur Antigua.

Nous avions quelques jours d'ouverture météo assez stable pour monter nord vers Barbuda, la dernière escale nord-antillaise de cette année, avant de redescendre prudemment pour la saison cyclonique vers le sud. Barbuda est rattachée à Antigua, donc pas de clerance à refaire, et comme nous avions pris 1 mois (15 mai- 15 juin), nous avions largement le temps d'aller voir ce qui, parait-il, est l'une des perles de l'arc antillais. Navigation facile, une trentaine de mille au portant, avec toujours cette mer un peu levée entre les iles, un ciel d'orage faisant ressortir les bleus extraordinaires d'une mer translucide (entre les deux iles, les fonds ne dépassent pas 50m) et Barbuda, une ile quasi plate qui ne se laisse découvrir qu'à quelques milles avant l'arrivée, comme un cadeau.

Ligne de traine mise à l'eau, mais toujours rien au bout, décidément, il va falloir être inventif avec les conserves du bord, car nous n'avons pas pu faire d’approvisionnement depuis St Johns. Heureusement, il nous reste beaucoup de conserves françaises achetées pour la transat, notamment des confits de canards, qu'on peut agrémenter avec presque n'importe quoi, froid ou chaud. Contrairement à certains copains, nous n'avons pas fait de conserves maison, manque de place et gain de poids et sauf à vouloir absolument manger des cèpes ou conserver sa pêche pour les jours de disette, on trouve peu ou prou de quoi se substanter. La fabrication du pain s'améliore aussi, grâce aux bons conseils de notre fille Sarah.

Notre point d'arrivée, Cocoa Bay, au sud de l'ile, devant un ressort fermé à cette époque de l'année est magique. Les conseils des uns ou des autres, d'arriver avec le soleil au zenit, est plus que précieux. Il faut faire très attention aux nombreux récifs de coraux, pas tous répertoriés sur la carte, et slalomer entre eux avant d'arriver devant une baie de sable blanc d'une dizaine de km. Lorsque nous arrivons, deux voiliers au mouillage qui partiront le lendemain, nous sommes tout à fait seuls.

Une chance que le ressort soit fermé, car il est bien indiqué dans le guide que la plage est privée et "réservée aux clients de l'établissement qui n'accepte pas les visiteurs", ça, c'est clair! En fait, nous faisons quand même les niais et débarquons, guidés par les braiments très sonores des ânes. Impossible de les approcher, ils sont sauvages. Petits et fins, ils broutent tranquillement l'herbe rare et sont tolérés sur la propriété du ressort comme tondeuse à gazon, du moins, à cette période car je doute que les crottes et les braiments nocturnes plaisent au richissimes touristes qui viennent ici.

Nous rencontrons l'unique gardien des installations désertes, descendant d'indiens caribs, il est né sur l'ile et nous raconte un peu la vie insulaire. Environ 1500 habitants, descendants d'indiens caribs et d’esclaves, vivent sur ce confetti de 160 KM². Pêcheurs, mais aussi chasseurs, car cochons sauvages et daims se cachent dans la végétation, ils tirent leur revenus des marais salants, et du tourisme haut de gamme saisonnier. Deux petits aéroports, dont l'un privé, desservent les hôtels et ressorts qui ne sont ouverts que de Noël à Pâques. Hormis Codrington (la "capitale"), et l'unique route qui relie le village à Cocoa Bay où nous sommes, aucun autre village n'anime l'ile, restée à l'état naturel. Quelques pistes semblent la traverser et permettraient sa découvete, ce que nous ferons la prochaine fois. Ce qui fait sa réputation de Barbuda, ce sont ses eaux translucides, les interminables plages de sable fin et les récifs coraliens extraordinaires, les superlatifs manquent.

Amie des animaux, voilà qu'une petite minette m'aborde et tente de nous suivre sous le soleil. Toute noire sous ce soleil de plomb, elle est déshydratée et affamée, probablement abandonnée après la fermeture des installations. Impossible de rester insensible, je la prend dans les bras et elle s'endort immédiatement, confiante et bercée par la marche de retour à l'annexe. On se privera d'un menu "thon en boite" et ouvrons l'une de nos dernière boite pour elle. Après que nous soyons revenus à bord, elle restera longtemps à regarder Quintet se balancer doucement, et nous ne la reverrons plus de notre séjour.

Certains de nos copains n'avaient pas eu le coup de coeur pour Cocoa Bay, on le comprend car ce ne sera probablement moins séduisant la prochaine fois que nous y viendrons. La plage nous sera interdite, les scooters de mer et autres embarcations polluantes et bruyantes gâcheront la quiétude que nous avons connu pendant ces quelques jours.

C'était le moment ou jamais de faire les poses carte-postales-souvenir, qu'on regardera plus tard lors des longues soirées d'hivers. L'appareil photo nous a lâché il y a quelques temps, il faudrait qu'on en retrouve un qui résiste à tout, mais avec la gopro, on ne s'en sort pas si mal.

Le sable coralien est aussi fin que du plâtre et l'on s'amuse, comme des enfants, à construire des palais éphémères ou graver notre amour, éternel celui-là.

On nous voit souvent avec un teeshirt sur le dos, et oui, on craint encore les coups de soleil. Mais quant on veut se promener dans l'eau, la seule solution, très glamour, c'est de se mettre les teeshirts sur la tête, façon turban. Si on se méfie du soleil, on ne craint pas le ridicule.

Inutile d'utiliser les bouteilles, les plongées se font par 2 à 6 m de fond, et les "jardins de coraux" sont plus splendides qu'aux Tobagos, ou moins fréquentés, donc moins abîmés. A certains endroits cependant, près de la surface sur des récifs au vent, une tempête a détruit ces merveilles, ne laissant qu'un décor d’apocalypse gris et noir, sans aucune faune, angoissant.

La faune est riche, les poissons plus gros qu'ailleurs, on regrette de ne pas avoir pu trouver de guide afin de reconnaitre des différentes espèces. Comme la chasse sous marine est interdite sur la réserve, les poissons ne sont pas farouches et se laissent approcher. Toujours amie des animaux, l'un deux m'a fait une peur bleue (je ne l'avais pas vu) en me suivant par curiosité et en me dépassant pour voir ce que je trafiquais, une espèce de "grosse daurade grise et jaune", environ 1m quand même. En ce qui concerne les langoustes, on voit déjà ceux qui se moquent, mais notre technique s'améliore. Sur une idée de notre copain Johan, j'ai fabriqué un collet, et nous avons presque réussi à attraper des langoustes. En apnée, ce n'est pas si facile, et les sacrés bestioles sont plutôt vives. En tout cas, vous ne direz pas qu'on se la coule douce, 3 heures de plongée tous les matins, ça tient en forme.

Celles qui nagent par dizaine autour du bateau mais qu'on ne peut approcher, ce sont les tortues qui viennent brouter les prairies marines de la baie. Contrairement aux Tobagos où elles sont habituées à côtoyer les humains, ici, elles sont farouches, impossibles de faire de belles photos et vidéos. En revanche, c'est ici qu'elles viennent pondre les nuits de mai. Nous avons bien essayé d'en surprendre une, mais le sommeil est sacré et ce n'est que le matin que nous découvrons les traces, dont certaines dépassent 1,50 d'envergure, et les trous de ponte, autour desquels on trouve quelques coquilles blanches et fines, vides.

Le temps suspend son vol, les coucher de soleil sont sereins, les nuits sans lune laissent apparaitre les myriades d'étoiles. Aucune lumière au dessus de l'ile, terre et ciel se confondent. C'est l'heure du petit film, ou plutôt, du petit navet du soir, car notre stock de films s'épuise. Vivement qu'on rencontre des français avec lesquels on puisse échanger films et musique. Pour les bouquins, j'ai un gros stock, heureusement.

Il faut bien s'arracher à ce paradis, pour en garder un goût de "revenez-y". D'ailleurs, nous y reviendrons l'an prochain pour poursuivre vers le nord, et nous visiterons alors Barbuda, qui nous réservera alors peut être d'autres belles surprises. On fini bien le séjour, car les cales sont vides, et la jolie bonite qui vient mordre à l'hameçon finira en darne dans le frigo.

à bientôt,